Le sacre des Bienveillantes

Publié le par Nanne

Les Bienveillantes, Goncourt 2006

Comme tout le monde, j'ai appris la nouvelle en début d'après-midi. Les académiciens du Goncourt ont décidé de marcher dans les pas de leurs illustres semblables de l'Académie française et de couronner "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell.

A vrai dire, cela n'est pas une surprise. Cela paraissait même plutôt logique, tant par la qualité du livre, que par l'originalité du sujet traité. Quand on se penche un peu sur les prix Goncourt passés, on se rend compte - cela vous saute aux yeux - que dès qu'un livre aborde le thème de la guerre, il a de grandes chances d'obtenir les faveurs du jury.

La série a été inaugurée par "Le Feu" d'Henri Barbusse, écrit presque dans les tranchées en 1916. En 1918, c'est au tour d'un autre "Poilu" de recevoir de prestigieux prix littéraire : Georges Duhamel pour "Civilisation" ou l'histoire d'un chirurgien pendant la Grande Guerre. En 1934, l'Académie repasse les plats avec "Capitaine Conan" de Roger Vercel, depuis immortalisé au cinéma par Philippe Torreton.

La 2ème Guerre Mondiale ne sera pas en reste, puisqu'en 1940 "Les grandes vacances" est plébiscité par le jury. Il faut dire que son auteur, Francis Ambrière est prisonnier de guerre en Allemagne lorsqu'il reçoit son prix. Il faudra attendre 1944, pour voir le prix attribué à une femme - Elsa Triolet - qui écrit sur la résistance. "Le premier accroc coûte deux cents francs" est un véritable chef d'oeuvre de la littérature française. En 1949, c'est "Week end à Zydcoote" de Robert Merle qui obtient le Goncourt. Célèbre pour le film éponyme avec Jean-Paul Belmondo.

La liste est longue. En 1962, c'est Anna Langfus et "Bagage de sable" sur les meurtrissures de la déportation. L'année suivante, "Quand la mer se retire" d'Armand Lanoux sur le débarquement. 1970 voit le triomphe du terrifiant "Roi des Aulnes" de Michel Tournier.

J'en ai omis un dans ma liste, volontairement. Dès que j'ai entendu parler des "Bienveillantes", ce livre - prix Goncourt 1959 - m'est revenu en mémoire. "Le dernier des Justes" d'André Schwart-Bart raconte la même histoire que "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell. L'un est l'autre, on pourrait dire. Sauf que cette histoire est racontée par un Juif qui parle de l'holocauste. Même comportement de la part des deux écrivains. Beaucoup de respect pour les prix littéraires, mais un recul sur les affres de la "célébrité", souvent aussi rapide qu'éphémère.

En fait, en consacrant "Les Bienveillantes", le jury du Goncourt a permis a deux facettes d'une même médaille - les horreurs de la 2ème Guerre Mondiale - de se hisser au rang de la mémoire historique et littéraire. Après tout, même les bourreaux ont des histoires à raconter.

Publié dans Notes personnelles

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N
Je n'en avais aucune idée jusqu'au sacre des "Bienveillantes". Je m'en suis rendue compte en regardant la liste publiée sur le site des prix littéraires. Cela saute aux yeux. C'est tout.
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K
Cette mise en perspective est très intéressante! Je ne connais pas l'histoire des prix Goncourt et je n'aurais donc pas su faire ce parallèle entre les différentes oeuvres primées.
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