Son père, ce héros
Un petit homme de dos - Richard Morgiève
(Pocket n°10607)
(Pocket n°10607)
"Il nous a toujours dit qu'il a débarqué au Havre en 1938 et qu'il venait de Liverpool, via Brême et Varsovie. D'après lui il était interprète et n'avait d'autre ambition que celle de vivre tranquillement. A l'en croire, boire un café au lait le matin et terminer la journée en jouant aux cartes, c'était suffisant pour le rendre l'homme le plus heureux du monde. Toutefois, ce sage philophose, ce Candide n'est pas le personnage que nous avons connu, le bandit merveilleux qui m'a donné la vie. Tout le problème est là".
Un jour de 1942, Stephane Eugerwicz débarque à la Cour des Miracles, ancien palace du fond de l'Ardèche reconverti en gîte pour réfugiés Polonais. Ce petit bonhomme par la taille n'avait peur de rien ni de personne. Pour assurer son avenir et devancer le destin, il avait apporté avec lui une vraie petite fortune dans ses bagages. Ce petit Polonais de 1,68 m à l'incroyable bagou, bonimenteur à souhait a les dents longues. C'est la guerre partout. Il décide de gagner de l'argent, beaucoup d'argent et très vite. Dans le repère de la Cour des Miracles, Stephane Eugerwicz lève une armée de traîne-savates pour l'aider à se remplir les poches. "Ils se prétendaient tous princes, ducs ou millionnaires, ne vous y trompez pas, les citoyens de la Cour des Miracles n'étaient pour la plupart qu'un ramassis de traîne-savates et d'éleveurs de poux. C'est parmi ces brebis galeuses que mon père recruta ses seconds [...]".
C'est à un bal organisé par les Polonais échoués en Ardèche qu'Andrée et Stephane se rencontrent et tombent fous amoureux l'un de l'autre. Ainsi débute ce qui sera l'histoire d'amour, de vie et de folie furieuse des parents du conteur, Mietta. Parallèlement à cette grande histoire romantique à souhait, la petite entreprise commerciale du père se développera à une vitesse incroyable. Elle avait le privilège de faire manger cette foule bigarrée oubliée là. Cette période trouble va se trouver à l'origine de la fortune et du malheur paternels. "Juif ou pas, il avait lancé une OPA sur le noir et toutes les nuits, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, courant par monts et par vaux, heureux comme un poisson dans l'eau, il vidait ses poches pour mieux les remplir".
L'entreprise paternelle continue de croître grâce au marché noir avec l'occupant pressé d'assurer ses arrières. Mais comme Stephane Eugerwicz est un redoutable commerçant, ce qu'il prend d'un côté, il le rend de l'autre au centruple. Après le marché noir avec l'occupant, ce sont des affaires sérieuses avec les Américains. "Mon père se révéla être un stratège de l'épicerie fine, un Napoléon de la lentille. Mais bien sûr le beurre au détail n'était qu'une façade qui dissimulait aux yeux des curieux l'objet du culte paternel : Sa Majecté le Noir. Et le noir avec les Américains c'était bien mieux que le noir avec les Allemands". En 1945, la Libération arrivant, le paternel se range dans l'épicerie fine. C'est le temps des changements de vie. Le temps des enfants qui naissent et qui remplissent la maison. Parce qu'Andrée veut beaucoup de petits Polonais. C'est aussi le temps des déméngagements, au gré des réussites et des échecs commerciaux de la famille Eugerwicz.
Après l'épicerie fine, ce sera au tour de la confiserie. Et comme son père voyait les choses en grand, et que la confiserie ne paraissait pas à la hauteur de cet ambitieux petit homme, il rachètera une fabrique de bonbons. Et pour recycler tout cet argent gagné au marché noir, Stephane Eugerwicz aura l'idée génialissime d'ouvrir une société de vente par correspondance, Vento. Véritable caverne d'Ali Baba, Vento vendait tout le matériel récupéré à la Libération.
Mais tant va la cruche à l'eau qu'elle se casse. Ce que la guerre lui donnera, la Libération et une amitié véreuse lui reprendront. Il perdra en un rien de temps tout ce qu'il avait gagné. Jusqu'à devenir l'ombre de lui-même. La fin de son père, aventurier, flambeur, haut en couleurs, bavard, sera celle d'un homme amputé de l'amour unique de sa femme adorée.
"Un petit homme de dos" de Richard Morgiève nous raconte une belle et grande histoire d'amour avec des personnages hors du commun. Le père est un caratère étonnant et détonant, fort en gueule, baratineur, instable et royal. Richard Morgiève nous entraîne dans le sillage de cet homme dont personne ne sait rien, ou peu de chose. On sent à travers son écriture tout l'attachement de l'auteur pour cette personnalité qui pourrait être son propre père, pour Andrée - si douce, si tendre, si simple - à qui il donne le même destin que sa mère. Beaucoup d'analogies dans ce livre qui mêle subtilement le réel et la fiction. On se demande si "Un petit homme de dos" ne raconte pas tout simplement l'histoire d'amour des parents de Richard Morgiève. Un bel hommage pour un livre superbe.
Un jour de 1942, Stephane Eugerwicz débarque à la Cour des Miracles, ancien palace du fond de l'Ardèche reconverti en gîte pour réfugiés Polonais. Ce petit bonhomme par la taille n'avait peur de rien ni de personne. Pour assurer son avenir et devancer le destin, il avait apporté avec lui une vraie petite fortune dans ses bagages. Ce petit Polonais de 1,68 m à l'incroyable bagou, bonimenteur à souhait a les dents longues. C'est la guerre partout. Il décide de gagner de l'argent, beaucoup d'argent et très vite. Dans le repère de la Cour des Miracles, Stephane Eugerwicz lève une armée de traîne-savates pour l'aider à se remplir les poches. "Ils se prétendaient tous princes, ducs ou millionnaires, ne vous y trompez pas, les citoyens de la Cour des Miracles n'étaient pour la plupart qu'un ramassis de traîne-savates et d'éleveurs de poux. C'est parmi ces brebis galeuses que mon père recruta ses seconds [...]".
C'est à un bal organisé par les Polonais échoués en Ardèche qu'Andrée et Stephane se rencontrent et tombent fous amoureux l'un de l'autre. Ainsi débute ce qui sera l'histoire d'amour, de vie et de folie furieuse des parents du conteur, Mietta. Parallèlement à cette grande histoire romantique à souhait, la petite entreprise commerciale du père se développera à une vitesse incroyable. Elle avait le privilège de faire manger cette foule bigarrée oubliée là. Cette période trouble va se trouver à l'origine de la fortune et du malheur paternels. "Juif ou pas, il avait lancé une OPA sur le noir et toutes les nuits, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, courant par monts et par vaux, heureux comme un poisson dans l'eau, il vidait ses poches pour mieux les remplir".
L'entreprise paternelle continue de croître grâce au marché noir avec l'occupant pressé d'assurer ses arrières. Mais comme Stephane Eugerwicz est un redoutable commerçant, ce qu'il prend d'un côté, il le rend de l'autre au centruple. Après le marché noir avec l'occupant, ce sont des affaires sérieuses avec les Américains. "Mon père se révéla être un stratège de l'épicerie fine, un Napoléon de la lentille. Mais bien sûr le beurre au détail n'était qu'une façade qui dissimulait aux yeux des curieux l'objet du culte paternel : Sa Majecté le Noir. Et le noir avec les Américains c'était bien mieux que le noir avec les Allemands". En 1945, la Libération arrivant, le paternel se range dans l'épicerie fine. C'est le temps des changements de vie. Le temps des enfants qui naissent et qui remplissent la maison. Parce qu'Andrée veut beaucoup de petits Polonais. C'est aussi le temps des déméngagements, au gré des réussites et des échecs commerciaux de la famille Eugerwicz.
Après l'épicerie fine, ce sera au tour de la confiserie. Et comme son père voyait les choses en grand, et que la confiserie ne paraissait pas à la hauteur de cet ambitieux petit homme, il rachètera une fabrique de bonbons. Et pour recycler tout cet argent gagné au marché noir, Stephane Eugerwicz aura l'idée génialissime d'ouvrir une société de vente par correspondance, Vento. Véritable caverne d'Ali Baba, Vento vendait tout le matériel récupéré à la Libération.
Mais tant va la cruche à l'eau qu'elle se casse. Ce que la guerre lui donnera, la Libération et une amitié véreuse lui reprendront. Il perdra en un rien de temps tout ce qu'il avait gagné. Jusqu'à devenir l'ombre de lui-même. La fin de son père, aventurier, flambeur, haut en couleurs, bavard, sera celle d'un homme amputé de l'amour unique de sa femme adorée.
"Un petit homme de dos" de Richard Morgiève nous raconte une belle et grande histoire d'amour avec des personnages hors du commun. Le père est un caratère étonnant et détonant, fort en gueule, baratineur, instable et royal. Richard Morgiève nous entraîne dans le sillage de cet homme dont personne ne sait rien, ou peu de chose. On sent à travers son écriture tout l'attachement de l'auteur pour cette personnalité qui pourrait être son propre père, pour Andrée - si douce, si tendre, si simple - à qui il donne le même destin que sa mère. Beaucoup d'analogies dans ce livre qui mêle subtilement le réel et la fiction. On se demande si "Un petit homme de dos" ne raconte pas tout simplement l'histoire d'amour des parents de Richard Morgiève. Un bel hommage pour un livre superbe.