Paris populaire et métissé

Publié le par Nanne

Babel-ville - Joseph Bialot (Folio Policier)

"Belleville !

Belleville-taudis, Belleville-temps-des-cerises, Belleville-ghetto, Babel-ville, Belleville qui s'écroule, s'émiette, s'accroche". Drôle d'endroit pour une ballade littéraire, me suis-je dis en tombant (presque !) par hasard sur "Babel-ville" de Joseph Bialot.

Cet auteur, je l'ai découvert sur Arte, en 2005. Il racontait son histoire. L'histoire de ces milliers d'inconnus qui portent en eux la mémoire de six millions d'âmes en errance. Je l'avais remisé dans un coin de mon cerveau. Il est ressorti alors que je rodais dans les rayons de ma librairie préférée, à la recherche d'un livre hors du commun. Car "Babel-ville" peut être classé dans cette catégorie, à mi-chemin entre le roman policier et la flânerie d'un promeneur solitaire à travers le quartier de Belleville, à travers son histoire, à travers son passé populaire et populeux.

"Trois cadavres identifiés sans problème. Certitudes : primo, le vol n'est pas le mobile du crime. Les sacs des victimes ne sont pas pillés et restent sur place. Secundo : les victimes sont toutes des femmes. Des femmes qui travaillent et qui habitent le quartier. La dernière, Annick Martial, a 28 ans, et demeure rue de Belleville. Elle exerce comme psychologue dans un CMPP, une sorte de dispensaire d'hygiène mentale de la banlieue Nord. Tertio : les trois femmes ont été tuées par une arme semblable [...]. Il semble donc qu'un lien, que nous ne connaissons pas, existe entre ces femmes. Impression confortée, s'il en était besoin, par cet insigne qu'elles possédaient toutes les trois".

Ca, c'est le résumé de l'enquête policière que l'officier Chaligny est chargé de démêler. Et on peut dire qu'elle est emmêlée l'affaire. A commencer par la signification de l'insigne que les victimes portaient sur elles. Cela ressemble à s'y méprendre à une croix fléchée, symbole des extrémistes hongrois. Et notre enquêteur de plonger dans l'univers glauque et nauséabond des milieux politiques extrêmes. Sans grand résultat. La descente dans le monde de l'ésoterisme ne donnera pas plus de résultat. "Ils plongèrent dans le symbolisme, la magie noire, le fétichisme, connurent un monde où le réel rejoint la fiction. Ils apprirent à distinguer les prophètes analphabètes, des meneurs de gogos, de faux bienfaiteurs, de vrais sadiques. Ils intérrogèrent des tireuses de cartes, des mages, des lecteurs de marc de café, ils trouvèrent des faiseurs d'horoscopes, des astrologues, des sexologues, des conseilleurs-pas-payeurs. Un monde déchaîné, dingue, dingue, dingue. Mais pas le moindre indice concernant les meurtres de Belleville".

Alors ? Alors ? Parallèlement à cette enquête policière plutôt prenante et haletante, on se promène au gré des avancées de celle-ci et de la rencontre de témoins. Et de replonger dans ce Belleville, quartier populaire, de la gouaille et de la goualante parisiennes. Cet arrondissement de Paris qui a su - en son temps - accueillir en son sein les émigrants d'Europe et d'ailleurs, venus s'installer au pays des libertés, eux qui n'avaient connu que la haine ou le mépris.

Et l'enquête de l'officier de police Chaligny se mélangera, se fondra et ne fera plus qu'un avec cette histoire brutalement interrompue.

Avec "Babel-ville", Joseph Bialot revient sur le quartier de son enfance, de son insouciance, avant le grand basculement. C'est un monde coloré, bigarré et interlope que l'on découvre en suivant les recherches de ce policier. Un bon moment à passer en compagnie de Joseph Bialot, qui nous fait revivre cette population heureuse d'être, exubérante et extravertie, surprise d'être libre et d'exister et de vivre encore.

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M
Aaaaaa la porte des Lilas...manque plus qu'une photo de fleurs là Mademoiselle! ;) On est tous avec toi Moustafette. "Porte des Lilas reprezzzzzennnnnt!"<br /> Poétiquement,<br /> MF<br /> A lire en relisant "Zone" d'Apolinnaire, tiré d'Alcools<br />  
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M
Bon, encore un coup de nostalgie !!! C'est aussi le quartier de mon enfance,où j'ai remis les pieds il y a qq temps après 15 ans d'absence.J'en aurais pleuré, non j'ai pleuré... Est-ce que l'auteur parle de la Porte des Lilas ?
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N
Malheureusement, Moustafette, l'auteur ne parle pas de la Porte des Lilas. Il parle du bouvelard de Belleville, du faubourg du Temple, de la rue de Belleville, du Père-Lachaise et Ménilmontant. C'était son quartier d'enfance. Joseph Bialot a écrit un livre sur ce lieu : "Belleville blues". Je vais en parler dans quelques temps.