Si Paris m'était contée
Paris insolite - Jean-Paul Clébert (Folio)
"La découverte de Paris.
Cet extraordinaire voyage d'exploration ! Et je m'étonne toujours que le Musée de l'Homme ou une bonne revue de vulgarisation ne fasse pas état du peuple citadin, ne révèle pas au grand plublic l'ethnologie des bas quartiers, [...] comme je m'étonne qu'après l'énorme quantité de livres, et bons livres, consacrés à Paris, ancien et moderne, par les descripteurs du fantastique social, l'habitant ignore sa ville, la dédaigne ou limite ses réflexions et commentaires toujours identiques à la poésie des quais de la Seine comme à la visite des musées nationaux [...]".
Livre original s'il en est, "Paris insolite" raconte l'envers du décor de la Ville Lumière. Si tous les touristes du monde entier se précipitent sur les quartiers au cachet pittoresque, visitent nos musées d'Art, nos lieux chargés d'histoire, on évite soigneusement de leur montrer ce que cache ces façades bourgeoises et imposantes, au luxe parfois insolent. Jean-Paul Clébert a décidé de nous faire partir à la découverte de ce Paris hors des circuits touristiques, ignoré, méprisé, à la vie grouillante et foisonnante. Cette découverte s'est faite grâce à un métier - aujourd'hui disparu - beugleur de journaux pour L'Intransigeant. Ce n'est pas tout jeune, ni de la première fraîcheur !!
Son parcours de beugleur lui fera rencontrer toute une population de marginaux, dont personne n'oserait même imaginer l'existence. Souvent, la réalité dépasse - et de loin - l'imagination, la fiction, le rêve. Ainsi, il tombera sur une champignonnière dans un trois-pièces-cuisine, imposant à l'heureux cultivateur citadin de vivre dans le vestibule. L'auteur rencontrera toutes sortes de personnages se livrant à leurs passions, leurs manies, sans compter les métiers bizarres, les bricoleurs de génie, les inventeurs et autres farfouilleurs du dimanche, professeur Nimbus de la débrouille.
Mais son monde à lui, c'est celui de la rue, des clochards, vagabonds et autres chemineaux. Selon lui, la vie d'une cité ne peut être réservée qu'aux seuls initiés, poètes ou vagabonds. "La révélation de la vie d'une cité est interdite au public, réservée aux initiés, aux très rares poètes, aux très nombreux vagabonds, et chacun en prend selon son humeur, sa capacité émotionnelle, selon le regard éteint ou révulsé ou en vrille. La ville est inépuisable. Et pour la conquérir il n'est que d'être justement vagabond-poète ou poète-vagabond". Et de commencer son parcours initiatique par l'incontournable rue des Rosiers - le quartier Juif. Les affiches des théâtres, les inscriptions et enseignes des boutiques, et jusqu'aux revendications, tout est en Yiddish. On n'est plus à Paris, mais en Israël, quartier Méa Shéarim à Jérusalem. Chaque vitrine arbore fièrement l'étoile de David, comme une décoration officielle au revers de son veston. On y croise des hommes barbus et portant melons noirs se livrant à toutes sortes de discussions passionnées. On ne rencontre personne venue acheter dans une boutique quelconque, seulement palabrer des heures durant.
Il n'y a pas que la rue des Rosiers dans Paris. Entre Porte des Lilas et Porte de Bagnolet, surnage une agglomération pour le moins anachronique. "[...] communauté de chiffonniers, de ferrailleurs, de rempailleurs, de mendigots, d'éleveurs de poules et de souris blanches, quadrilatère de jardins incultes et de cabanes, isolés par des haies de lits-cages [...], de villas dans la construction desquelles entrent plus souvent le bois que le ciment, les planches et les tôles que la brique [...]. Au milieu des choux et des soleils, les baignoires font office de châteaux d'eau comme en grande banlieue, mais on est dans le 20ème arrondissement". On poursuit cette balade pittoresque, pleine de tendresse et de nostalgie, au travers des dédales de petites rue latérales aux grands boulevards parisiens, pour arriver en marge de Saint-Germain des Près. Loin des brasseries et cafés littéraires où il fait bon se montrer, coexistent des bistrots centenaires, ignorés du large public et souvent tenus par des bougnats résistants. Ils sont fréquentés par de petits commerçants, rentiers, ouvriers et de petits vieux habitués, venant y passer un moment et se tirer de leur solitude. Les conversations ne sont pas celles des salons littéraires, mais se limitent à la météo du jour, aux derniers ragots et à la politique de comptoir. Il se raconte que dans le quartier Saint-Paul - rue de Fourcy plus exactement - existait même un bordel pour clochard !! Avec ses deux pièces, dont le Sénat à 10 francs et la Chambre des Députés, à partir de 15 francs. Toute une époque disparue !!
Cet extraordinaire voyage d'exploration ! Et je m'étonne toujours que le Musée de l'Homme ou une bonne revue de vulgarisation ne fasse pas état du peuple citadin, ne révèle pas au grand plublic l'ethnologie des bas quartiers, [...] comme je m'étonne qu'après l'énorme quantité de livres, et bons livres, consacrés à Paris, ancien et moderne, par les descripteurs du fantastique social, l'habitant ignore sa ville, la dédaigne ou limite ses réflexions et commentaires toujours identiques à la poésie des quais de la Seine comme à la visite des musées nationaux [...]".
Livre original s'il en est, "Paris insolite" raconte l'envers du décor de la Ville Lumière. Si tous les touristes du monde entier se précipitent sur les quartiers au cachet pittoresque, visitent nos musées d'Art, nos lieux chargés d'histoire, on évite soigneusement de leur montrer ce que cache ces façades bourgeoises et imposantes, au luxe parfois insolent. Jean-Paul Clébert a décidé de nous faire partir à la découverte de ce Paris hors des circuits touristiques, ignoré, méprisé, à la vie grouillante et foisonnante. Cette découverte s'est faite grâce à un métier - aujourd'hui disparu - beugleur de journaux pour L'Intransigeant. Ce n'est pas tout jeune, ni de la première fraîcheur !!
Son parcours de beugleur lui fera rencontrer toute une population de marginaux, dont personne n'oserait même imaginer l'existence. Souvent, la réalité dépasse - et de loin - l'imagination, la fiction, le rêve. Ainsi, il tombera sur une champignonnière dans un trois-pièces-cuisine, imposant à l'heureux cultivateur citadin de vivre dans le vestibule. L'auteur rencontrera toutes sortes de personnages se livrant à leurs passions, leurs manies, sans compter les métiers bizarres, les bricoleurs de génie, les inventeurs et autres farfouilleurs du dimanche, professeur Nimbus de la débrouille.
Mais son monde à lui, c'est celui de la rue, des clochards, vagabonds et autres chemineaux. Selon lui, la vie d'une cité ne peut être réservée qu'aux seuls initiés, poètes ou vagabonds. "La révélation de la vie d'une cité est interdite au public, réservée aux initiés, aux très rares poètes, aux très nombreux vagabonds, et chacun en prend selon son humeur, sa capacité émotionnelle, selon le regard éteint ou révulsé ou en vrille. La ville est inépuisable. Et pour la conquérir il n'est que d'être justement vagabond-poète ou poète-vagabond". Et de commencer son parcours initiatique par l'incontournable rue des Rosiers - le quartier Juif. Les affiches des théâtres, les inscriptions et enseignes des boutiques, et jusqu'aux revendications, tout est en Yiddish. On n'est plus à Paris, mais en Israël, quartier Méa Shéarim à Jérusalem. Chaque vitrine arbore fièrement l'étoile de David, comme une décoration officielle au revers de son veston. On y croise des hommes barbus et portant melons noirs se livrant à toutes sortes de discussions passionnées. On ne rencontre personne venue acheter dans une boutique quelconque, seulement palabrer des heures durant.
Il n'y a pas que la rue des Rosiers dans Paris. Entre Porte des Lilas et Porte de Bagnolet, surnage une agglomération pour le moins anachronique. "[...] communauté de chiffonniers, de ferrailleurs, de rempailleurs, de mendigots, d'éleveurs de poules et de souris blanches, quadrilatère de jardins incultes et de cabanes, isolés par des haies de lits-cages [...], de villas dans la construction desquelles entrent plus souvent le bois que le ciment, les planches et les tôles que la brique [...]. Au milieu des choux et des soleils, les baignoires font office de châteaux d'eau comme en grande banlieue, mais on est dans le 20ème arrondissement". On poursuit cette balade pittoresque, pleine de tendresse et de nostalgie, au travers des dédales de petites rue latérales aux grands boulevards parisiens, pour arriver en marge de Saint-Germain des Près. Loin des brasseries et cafés littéraires où il fait bon se montrer, coexistent des bistrots centenaires, ignorés du large public et souvent tenus par des bougnats résistants. Ils sont fréquentés par de petits commerçants, rentiers, ouvriers et de petits vieux habitués, venant y passer un moment et se tirer de leur solitude. Les conversations ne sont pas celles des salons littéraires, mais se limitent à la météo du jour, aux derniers ragots et à la politique de comptoir. Il se raconte que dans le quartier Saint-Paul - rue de Fourcy plus exactement - existait même un bordel pour clochard !! Avec ses deux pièces, dont le Sénat à 10 francs et la Chambre des Députés, à partir de 15 francs. Toute une époque disparue !!
Mais qui dit Paris, dit la Seine qui coule sous ses ponts et dans ses canaux magnifiques. Et sous les ponts, toute la population de clochards, vagabonds, traînes-misère et autres chiffonniers de la capitale. Aux beaux jours, les quais, les berges et les canaux sont pris d'assaut pour faire la grande lessive. C'est le grand nettoyage de printemps ; le grand dépoussiérage de la misère hivernale. "Au confluent du grand canal, comme de parfaites lavandières, les hommes frottent, tortillent, étalent, essorent, rincent des pièces de toile et les refrottent la plupart du temps sans savon, à l'eau claire qui refuse de décoller la crasse".
Et puis, dans ce Paris à la Victor Hugo, à la Eugène Sue ou à la Emile Zola, il y a des personnages qui vous marquent par leur invraisemblance. Ainsi, Clément. Violoniste à l'origine, il étonnait ses compagnons de misère par ses connaissances musicologiques, historiques et biographiques des grands musiciens. Il avait particulièrement étudié les compositeurs allemands. Où, quand et comment ? Nul ne l'a jamais su. Il jouait du violon dans les bals de villages pour survivre. Ou bien encore Mademoiselle Léontine, petite vieille qui vendait un bric-à-brac d'objets hétéroclites et sans intérêt, trouvés au fond des poubelles. Elle installait ses trouvailles chaque jour, rue Mouffetard ... et lisait. "Et Melle Léontine est une des plus ferventes lectrices des quais. Je ne l'ai jamais vue qu'avec un livre à la main, dévorant avec un pareil ravissement un roman feuilleton ou des classiques illustés".
Avec "Paris insolite", c'est à une promenade, une flânerie, une errance poétique à laquelle nous convie son auteur. On vit au milieu des chemineaux, vagabonds, gagne-petits et autres ouvriers dans le Paris d'avant. Avant les grands ensembles, même si les faubourgs, la banlieue existaient déjà. Avant que la capitale ne devienne la proie fructueuse et juteuses des promoteurs et constructeurs immobiliers, plus occupés à faire de la place pour leurs horreurs en bêton armé barrant et bouchant le paysage, qu'à conserver le cachet de ce Paris surréaliste et merveilleux, si riche de son histoire et de son architecture. Et puis surtout, n'oublions pas les bobos qui ont envahis les quartiers populaires, pittoresques et villageois, certes, mais sans sa population locale. On vit dans la même ville, mais pas dans le même monde.
Au final, C'est un Paris à la Doisneau, à la Willy Ronis, avec ses rues populeuses, ces habitants qui en faisaient autant de villages animés, leur donnaient une âme, une particularité à jamais perdus.
Et puis, dans ce Paris à la Victor Hugo, à la Eugène Sue ou à la Emile Zola, il y a des personnages qui vous marquent par leur invraisemblance. Ainsi, Clément. Violoniste à l'origine, il étonnait ses compagnons de misère par ses connaissances musicologiques, historiques et biographiques des grands musiciens. Il avait particulièrement étudié les compositeurs allemands. Où, quand et comment ? Nul ne l'a jamais su. Il jouait du violon dans les bals de villages pour survivre. Ou bien encore Mademoiselle Léontine, petite vieille qui vendait un bric-à-brac d'objets hétéroclites et sans intérêt, trouvés au fond des poubelles. Elle installait ses trouvailles chaque jour, rue Mouffetard ... et lisait. "Et Melle Léontine est une des plus ferventes lectrices des quais. Je ne l'ai jamais vue qu'avec un livre à la main, dévorant avec un pareil ravissement un roman feuilleton ou des classiques illustés".
Avec "Paris insolite", c'est à une promenade, une flânerie, une errance poétique à laquelle nous convie son auteur. On vit au milieu des chemineaux, vagabonds, gagne-petits et autres ouvriers dans le Paris d'avant. Avant les grands ensembles, même si les faubourgs, la banlieue existaient déjà. Avant que la capitale ne devienne la proie fructueuse et juteuses des promoteurs et constructeurs immobiliers, plus occupés à faire de la place pour leurs horreurs en bêton armé barrant et bouchant le paysage, qu'à conserver le cachet de ce Paris surréaliste et merveilleux, si riche de son histoire et de son architecture. Et puis surtout, n'oublions pas les bobos qui ont envahis les quartiers populaires, pittoresques et villageois, certes, mais sans sa population locale. On vit dans la même ville, mais pas dans le même monde.
Au final, C'est un Paris à la Doisneau, à la Willy Ronis, avec ses rues populeuses, ces habitants qui en faisaient autant de villages animés, leur donnaient une âme, une particularité à jamais perdus.