La sordide comédie
Le balcon - Jean Genet (Folio n° 1149)
"La révolte gagne aussi les paysans. On se demande pourquoi d'ailleurs. La contagion ? La révolte est une épidémie. Elle en a le caractère fatal et sacré. [...]. Les révoltés en veulent au Clergé, à l'Armée, à la Magistrature, à moi, Irma, mère maquerelle et patronne de boxon".
Alors que la révolte gronde au dehors, que la société est en plein changement, Madame Irma - patronne du Grand Balcon - "[...] la plus savante, mais la plus honnête des maison d'illusions ..." tente de satisfaire les exigences les plus extravagantes de ses clients. Et Madame Irma sait combien tous ses fidèles clients sont tatillons sur les prestations demandées. Ils veulent tous que tout soit plus vrai que nature. C'est la raison pour laquelle elle a nommé son établissement maison d'illusions, afin que chacun y vienne avec ses fantasmes, ses rêves, son scenario. Tout sera fait pour les exaucer. "- [...] chaque putain doit pouvoir affronter n'importe quelle situation. - Je suis une de vos putains, patronne, et une des meilleures, je
m'en vante. Dans une soirée, il m'arrive de faire ... - Je connais tes performances ... Mais quand tu t'exaltes à partir du mot putain, que tu te répètes et dont tu te pares comme ... comme ... comme d'une parure, ce n'est pas tout à fait comme lorsque j'utilise ce mot pour désigner une fonction [...]".
Madame Irma observe attentivement ce qui se passe dans chaque chambre, avec chaque client, puisqu'elle a fait poser des oeilletons partout. De son salon privé, elle peut assister à toutes les scènes parce que chaque mur et chaque miroir est truqué. Tout se sait, tout s'entend dans les bordels.
Alors qu'à l'extérieur la situation se dégrade et s'aggrave, bien qu'elle ne soit pas encore désespérée, que la ville est à feu et à sang, que la révolte est à la fois tragique et joyeuse, les clients jouent à l'évêque, au juge, au général. Plus vrais que les modèles, le juge exige des hurlements de la part de sa voleuse, l'évêque désire pardonner des péchés réellement commis. "Je sais bien, moi, messieurs, ce que vous veniez chercher chez moi : vous, monseigneur, par les voies rapides, décisives, une évidente sainteté. [...] Vous, monsieur le Procureur, vous étiez bel et bien guidé par un souci de justice puisque c'est l'image d'un justicier que vous vouliez voir renvoyée mille fois par mes glaces, et vous, général, c'est la gloire militaire, c'est le courage et le fait héroïque qui vous hantaient".
"Le balcon" de Jean Genet est - une fois de plus - une pièce très difficile à aborder. Pièce de théâtre dénonçant une société violente, dure, âpre, qui se déroule dans un lieu clos - une maison de tolérance - alors qu'au-dehors tout est bouleversé par une révolte. La situation dans cet endroit feutré n'est pas plus saine à l'intérieur qu'à l'extérieur. Chaque personnage possède et fait ressortir sa violence latente. Elle est prête à se déchaîner, à se lâcher sur l'autre, le plus faible. Ce sont des relations biaisées, les puissants face aux esclaves, ceux qui décident et ceux qui exécutent. Les clients ont tous les pouvoirs face aux prostituées qui n'ont pas d'autre choix que celui de se soumettre à leur plaisir personnel, pervers et - parfois - sadique. C'est une pièce qui déconcerte aussi bien le lecteur que le spectateur, car on ne sait plus où se situe la réalité et quand on verse dans l'irréel, le fantasme de pouvoir ou dans le cauchemardesque.
Cette oeuvre de Jean Genet m'a laissée quelque peu dubitative et décontenancée. Je reconnais avoir été partagée entre l'envie de continuer sa lecture pour en connaître la
conclusion, et le désir prégnant de l'arrêter tant je me sentais agressée par l'écriture de cette pièce. Je dois reconnaître qu'il m'a été difficile d'apprécier toute la subtilité du "Balcon" et sa représentation de la société avec ses jeux de pouvoirs entre les personnages, son organisation et sa structuration. Ce qui est dommage ... surtout que j'ai d'autres pièces de Jean Genet prévues !!!

Alors que la révolte gronde au dehors, que la société est en plein changement, Madame Irma - patronne du Grand Balcon - "[...] la plus savante, mais la plus honnête des maison d'illusions ..." tente de satisfaire les exigences les plus extravagantes de ses clients. Et Madame Irma sait combien tous ses fidèles clients sont tatillons sur les prestations demandées. Ils veulent tous que tout soit plus vrai que nature. C'est la raison pour laquelle elle a nommé son établissement maison d'illusions, afin que chacun y vienne avec ses fantasmes, ses rêves, son scenario. Tout sera fait pour les exaucer. "- [...] chaque putain doit pouvoir affronter n'importe quelle situation. - Je suis une de vos putains, patronne, et une des meilleures, je

Madame Irma observe attentivement ce qui se passe dans chaque chambre, avec chaque client, puisqu'elle a fait poser des oeilletons partout. De son salon privé, elle peut assister à toutes les scènes parce que chaque mur et chaque miroir est truqué. Tout se sait, tout s'entend dans les bordels.
Alors qu'à l'extérieur la situation se dégrade et s'aggrave, bien qu'elle ne soit pas encore désespérée, que la ville est à feu et à sang, que la révolte est à la fois tragique et joyeuse, les clients jouent à l'évêque, au juge, au général. Plus vrais que les modèles, le juge exige des hurlements de la part de sa voleuse, l'évêque désire pardonner des péchés réellement commis. "Je sais bien, moi, messieurs, ce que vous veniez chercher chez moi : vous, monseigneur, par les voies rapides, décisives, une évidente sainteté. [...] Vous, monsieur le Procureur, vous étiez bel et bien guidé par un souci de justice puisque c'est l'image d'un justicier que vous vouliez voir renvoyée mille fois par mes glaces, et vous, général, c'est la gloire militaire, c'est le courage et le fait héroïque qui vous hantaient".

Cette oeuvre de Jean Genet m'a laissée quelque peu dubitative et décontenancée. Je reconnais avoir été partagée entre l'envie de continuer sa lecture pour en connaître la
