La grande cuisine diplomatique
Le cuisinier de Talleyrand
Jean-Christophe Duchon-Doris
(10/18 - Grands Détectives)
1er octobre 1814, les armées napoléoniennes sont battues devant Moscou et se retirent du bourbier russe. L'empire est envahi jusque sur les Champs Elysées. Napoléon Bonaparte vient d'abdiquer. La monarchie est restaurée et Vienne accueille un grand congrès censé régler la succession de cet immense empire. "Depuis les débuts du congrès, les rues étaient sans cesse un décor d'opérette où les uniformes de toute l'Europe se mêlaient aux tenues légères des filles du peuple, aux habits graves des Autrichiens, à cette population toujours incroyable de Magyars et de Tchèques, d'Allemands, d'Italiens, de Polonais, de Hongrois, de Bohêmes, de Slovaques et de Slovènes, de Serbes et de Croates, [...]".
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si un meurtre sordide ne venait d'être commis dans les jardins du palais de Schönbrunn. La découverte d'un corps méconnaissable et transformé en charpie n'arrange pas du tout les affaires du ministre de la police autrichienne, le baron Hager. Un meurtre dès le début du congrès devant décider du sort de l'Europe et de ses
puissances, voilà qui n'augure rien de bon. Particulièrement dans les jardins d'un palais abritant l'impératrice Marie-Louise, épouse de Napoléon Bonaparte. De là à y voir un complot politique, ourdi par quelques fidèles de l'empereur français, il n'y a qu'un pas. Vite franchi, d'ailleurs, puisque la police vient d'arrêter le capitaine Hurault de Sorbée, proche de Napoléon.
Le baron Hager décide de confier cette enquête hautement diplomatique à son meilleur élément, Janez Vladeski. Pour le moment, ce qui intrigue ce fin limier de la police d'état autrichienne ce sont ces meringues retrouvées dans une gamelle appartenant à la victime. Un tour rapide dans les environs de la capitale austro-hongroise permet à Vladeski d'apprendre que celle-ci a été vue dans les environs, qu'elle parlait avec un fort accent étranger - français ou anglais - et qu'elle emmenait avec elle les meilleures meringues de toute l'Europe. Qui peut vendre - à Vienne - de telles merveilles fondant dans la bouche, coulant dans la gorge avec un goût infiniment sucré et laissant sur les lèvres ce moelleux exceptionnel ? Pour trouver la réponse à sa question, Vladeski décide de faire la tournée de tous les cafés et pâtisseries viennois. Il veut savoir d'où
elles proviennent et - surtout - qui les fabrique. C'est au Cheval borgne "[...] établissement grand comme une salle de danse qui vendait, derrière des étals, quantité de nourritures à tous les prix : pâtés, salmis, gratins, volailles en gelée, pièces rôties, légumes braisés ...", que Janez Valdeski découvre qui est ce génial pâtissier, roi de la meringue et autres douceurs. Ce n'est autre que Marie-Antoine Carême, cuisinier du prince de Talleyrand, résidant que palais de Kaunitz pour la durée du congrès. "Il était l'inventeur des gros nougats, meringues, suédoises, faisait comme nul autre les babas, les timbales, les pâtés chauds de poissons et de légumes, les vol-au-vent et la pâte feuilletée. [...] Il passait, malgré son jeune âge, pour le plus grand cuisinier vivant ...".
Entre-temps, la police a mis un nom sur la victime. C'est Maréchal, le rôtisseur de Kaunitz, embauché par Carême le temps du congrès. Sa femme, Anna, venait de signaler sa mystérieuse disparition. Mais qui est ce Maréchal, dont Carême vante le renom et le professionnalisme de son rôtisseur ? "C'était un ours. Toujours d'humeur exécrable. Il ne s'entendait avec personne [...].
Il buvait, frappait sa femme". Beaucoup de raisons pour vouloir éliminer ce Maréchal, capable de se faire un ennemi dès la première rencontre. En plus, Maréchal est un bonapartiste de la 1ère heure. Autant dire que la piste du complot pour remettre Napoléon sur son trône est largement privilégiée par tous. Mais ce serait aller plus vite que la musique en simplifiant cette équation subtile à une seule inconnue. Car des inconnues, il y en a. Beaucoup, même. Les services d'espionnage, de contre-espionnage, les différentes polices autrichiennes qui se portent ombrage, la diplomatie - celle de Talleyrand - qui allient intérêts personnels et nationaux, les haines des uns, les rancoeurs des autres. Tout est là pour brouiller allégrement les pistes les plus solides. Qui aurait pu massacrer aussi sauvagement Maréchal ? Pour des raisons personnelles ? Professionnelles ? Politiques ? Est-ce un complot, un meurtre banal, querelle d'ivrogne ou bien encore crime passionnel maquillé en meurtre sadique ?
"Le cuisinier de Talleyrand" de Jean-Christophe Duchon-Doris est un livre palpitant, c'est le moins que l'on puisse dire. Du début jusqu'à la fin on recherche la vérité en compagnie de ce Janez Vladeski, beau brun ténébreux aux superbes yeux bleus, mi-tzigane, mi-prince de sang. A chaque page, de nouvelles pistes se forment, se défont, se transforment, vont et viennent, laissant le lecteur perdu dans un labyrinthe diplomatique et
culinaire. Parce que - en plus d'une enquête policière - on mange dans ce livre. Et bien. Parfois même jusqu'à l'écoeurement. Et l'on danse sous les lambris dorés des palais viennois. Jusqu'à l'évanouissement. On boit aussi. Les plus grands vins français, autrichiens, italiens, allemands. On vit les méandres du congrès de Vienne et les tractations entre Talleyrand - toujours au sommet - et Metternich. Seul bémol. Parfois des descriptions de Vienne, de soirées, de détails vestimentaires qui peuvent paraître redondants. Mais ceux qui veulent découvrir cette superbe ville, ses environs, l'art de la table et de la grande cuisine, sans oublier les enigmes policières, ceux-là devraient y trouver leur compte.
ABC 2008
Jean-Christophe Duchon-Doris
(10/18 - Grands Détectives)

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si un meurtre sordide ne venait d'être commis dans les jardins du palais de Schönbrunn. La découverte d'un corps méconnaissable et transformé en charpie n'arrange pas du tout les affaires du ministre de la police autrichienne, le baron Hager. Un meurtre dès le début du congrès devant décider du sort de l'Europe et de ses

Le baron Hager décide de confier cette enquête hautement diplomatique à son meilleur élément, Janez Vladeski. Pour le moment, ce qui intrigue ce fin limier de la police d'état autrichienne ce sont ces meringues retrouvées dans une gamelle appartenant à la victime. Un tour rapide dans les environs de la capitale austro-hongroise permet à Vladeski d'apprendre que celle-ci a été vue dans les environs, qu'elle parlait avec un fort accent étranger - français ou anglais - et qu'elle emmenait avec elle les meilleures meringues de toute l'Europe. Qui peut vendre - à Vienne - de telles merveilles fondant dans la bouche, coulant dans la gorge avec un goût infiniment sucré et laissant sur les lèvres ce moelleux exceptionnel ? Pour trouver la réponse à sa question, Vladeski décide de faire la tournée de tous les cafés et pâtisseries viennois. Il veut savoir d'où

Entre-temps, la police a mis un nom sur la victime. C'est Maréchal, le rôtisseur de Kaunitz, embauché par Carême le temps du congrès. Sa femme, Anna, venait de signaler sa mystérieuse disparition. Mais qui est ce Maréchal, dont Carême vante le renom et le professionnalisme de son rôtisseur ? "C'était un ours. Toujours d'humeur exécrable. Il ne s'entendait avec personne [...].
"Le cuisinier de Talleyrand" de Jean-Christophe Duchon-Doris est un livre palpitant, c'est le moins que l'on puisse dire. Du début jusqu'à la fin on recherche la vérité en compagnie de ce Janez Vladeski, beau brun ténébreux aux superbes yeux bleus, mi-tzigane, mi-prince de sang. A chaque page, de nouvelles pistes se forment, se défont, se transforment, vont et viennent, laissant le lecteur perdu dans un labyrinthe diplomatique et

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